Le regard tourné vers la fenêtre, Freya observait les fonds marins inconnus des mers de glaces. Droite bien qu’ayant apposé son dos contre le siège rembourré, sa tête dandinait doucement alors que son esprit était ailleurs, chevauchant surement ce charmant petit hippocampe qui tentait tant bien que mal de les suivre dans leur chevauchée aquatique. Enfin, elle allait quitter ce cher pays natal qui pourtant l’étouffait petit à petit, lui coupant oxygène et indépendance. Elevée avec les contes et les légendes d’autrefois, la petite bulgare avait toujours rêvé secrètement d’aventures de capes et de baguettes où elle pourrait affronter dragons et gobelins en chevauchant fièrement un hyppogriffe. Pourtant, au fur et à mesure des années et de son éducation, elle se rendait compte que sa condition allait lui poser quelques problèmes mineurs. Certes, les Nikolvson n’étaient pas non plus des sangs purs férocement attachés aux vieux principes machistes – à condition que la sorcière ne sache s’élever seule contre vent et marée afin d’asseoir son autorité et sa volonté - néanmoins, ils privilégiaient et honoraient l’étiquette avec fierté… ce qui n’était pas au goût de tous. Yuri Nikolvson, l’aîné de Freya d’un an et demi, avait toujours prôné que les sorcières n’étaient à Durmstrang seulement pour pouvoir trouver un potentiel promis et satisfaire un goût pour l’étiquette et une fausse éducation sachant faire d’elles une épouse convenable. Une convention qui ne sied guère aux idéaux de sa cadette qui avait dû plusieurs fois montrer des dents et des poings pour s’affirmer… sans pour autant réussir à faire tomber la dictature de son frère sur elle. Des éclats de voix non loin d’elle lui firent perdre le fil de ses obscures pensées. Jetant un coup d’œil sur sa droite, elle repéra alors celui qu’elle ne voulait plus voir. Fièrement assis à la droite de Yuri, Valko Bortsov riait grassement à l’une des répliques de ce dernier. Son premier et plus poignant chagrin d’amour. Le vrai. Celui où vous vous sentez trahie jusqu’au plus profond de vos entrailles, si bien qu’une dague continue à s’enfoncer, qu’importe le nombre de fois où vous tournez la page. A Durmstrang, Freya était comme n’importe quelle fille. Banale mais avec un caractère de feu qui a su s’affirmer dès ses treize ans, elle a commencé à attirer le regard une fois qu’elle enleva ses couronnes de tresses trop sages. Malheureusement, à chaque tentative masculine pour l’approcher, Yuri dévalait comme un dément, provoquant alors le dit garçon en duels où ce dernier finissait souvent à l’infirmerie. Beau parleur comme il était, le Nikolvson arrivait toujours à s’en tirer mais la jeune sorcière ressentait toujours plus son étau protecteur paranoïaque se refermer sur elle. Personne n’était assez bien pour sa petite sœur. Enfant, Yuri l’avait tout d’abord haï pour être entré dans la famille en lui volant la place de chouchou. Allons donc : une petite fille au teint aussi pâle que la neige et au rire aussi cristallin que la glace. Jusqu’à ce qu’elle ne lui attrape le doigt de son berceau en lui offrant son plus beau sourire. Possessif, Yûri avait alors décidé de veiller sur son petit ange – comme il aime l’appeler – voulant garder jalousement ce sourire pour en être le seul destinataire jusqu’à ce que quelqu’un d’autre ne le mérite. Jusqu’à ce qu’il accepte une autre personne. Jusqu’à Valko. Enfin, pas tout à fait… Le jeune homme était extérieur à la bande de Yûri avant. Durant une longue année, ils se tournèrent autour secrètement alors que le russe se taillait une place dans la bande du brun. Et puis vient le drame. Soirée costumée pour fêter la défaite de Grindelwald. Loups sur le visage, personne ne se reconnaissait. Un baiser fut échangé. Le reste, Freya ne s’en souvient guère. Hormis son réveil douloureux à l’infirmerie. Elle s’était cogné contre une colonne de pierre. A son chevet, son frère semblait inquiet mais également victorieux, lui annonçant alors que Valko avait rejoint son rang… Elle n’avait servi que d’intermédiaire. De laissez-passer. Elle n’a pas voulu le croire. Elle en a alors subi les méfaits de la vérité. Brisée, la jeune sorcière mis tout l’été pour s’en remettre. Son premier vrai chagrin d’amour. Celui qui la renferma. Elle refusa de voir ou parler Bortsov depuis. Sentant un regard pesant sur elle, elle releva les yeux pour tomber sur lui. Son cœur se serra quelques secondes avant qu’elle ne les détourne, le port altier, rancunier et fier. Elle ne lui donnerait jamais ce plaisir. De l'autre côté de la banquette, Yûri regardait la scène, un sourire satisfait sur ses lèvres carnassières.